En 2015, l’affaire « SwissLeaks » a mis au jour un vaste système d’évasion fiscale impliquant la banque HSBC et ayant pour terrain de jeu le monde entier. La fraude fiscale est en effet une sorte de sport planétaire, pratiqué par des banques, des riches particuliers et des grandes entreprises. Un sport qui, en France, fait perdre en moyenne 60 à 80 milliards d’euros selon la Cour des comptes. Quels sont les moyens de lutter contre ?

Geldscheine

Les aventuriers de la fiscalité perdue

Depuis sa création en juin 2013, le service de traitement des déclarations rectificatives a enregistré en France plus de 40 000 demandes de régularisation fiscale. L’équivalent de presque 2 milliards d’euros de recettes fiscales en plus pour l’État – de quoi mettre sacrément du beurre dans les épinards financiers de l’Hexagone.

Mais que cache ce mouvement d’honnêteté fiscale ? Est-ce le résultat d’une politique de lutte efficace ? Ou est-ce que les particuliers qui ont répondu à l’appel de l’État à la « repentance » n’auraient pas trouvé d’autres moyens plus avantageux de frauder le Fisc par des biais légaux ou en profitant de failles juridiques ?

L’évasion fiscale existe dans tous les domaines de la fiscalité : épargne, TVA, fiscalité des entreprises. Elle concerne aussi bien des particuliers – l’image du riche qui traverse la frontière avec sa mallette pleine de billets est gravée dans l’imaginaire collectif – que des entreprises nationales et internationales, lesquelles font tout pour économiser quelques millions.

Les voyages forment la richesse

Pour un particulier qui aurait bien envie de pratiquer l’évasion fiscale, sous différents prétextes (impôts trop élevés, taxations injustes, redistribution malavisée, etc.), placer son argent dans une banque étrangère (qui a dit « en Suisse » ?) est la méthode la plus courue. Les banques sont en effet les principales organisatrices de l’évasion fiscale à grande échelle dans le monde.

Mais le déplacement des sommes à l’étranger n’est pas l’unique méthode. La conservation d’argent hors du système bancaire (en or, en espèces), le changement de nationalité pour préférer celle d’un pays fiscalement attrayant, les assurances-vie et comptes bancaires détenus par la compagnie d’assurance plutôt que par le particulier… Sont autant de moyens de s’évader fiscalement.

Une lutte à mort contre l’évasion fiscale

La France s’est impliquée, depuis 2012, dans une mission de lutte contre l’évasion fiscale. Avec trois objectifs :

  • La répression, visant à sanctionner les comportements frauduleux. Les sanctions fiscales et pénales ont été relevées :, relèvement de la majoration de 10 à 40% en cas de non déclaration de revenus imposés sur la fortune, etc.
  • La dissuasion, par le biais d’un renforcement des obligations déclaratives nécessaires au contrôle fiscal.
  • Le recouvrement de l’impôt éludé et sa réintégration au budget.

Les nouvelles armes de lutte contre l’évasion fiscale mises en place sont les suivantes :

  • L’allongement du délai de prescription des infractions pénales en matière fiscale de 3 à 6 ans
  • Des peines portées jusqu’à 7 ans de prison et jusqu’à 2 millions d’euros d’amende (contre 5 ans et 750 000€ actuellement) lorsque les faits ont été commis en bande organisée
  • Une meilleure articulation entre le ministère des Finances et celui de la Justice, afin d’optimiser le déclenchement des poursuites judiciaires.
  • L’autorisation donnée aux enquêteurs de recourir à des techniques « spéciales » d’enquête : surveillance, infiltration, garde à vue de 4 jours…)
  • L’immunité offerte aux lanceurs d’alerte : protection contre le licenciement ou la discrimination.
  • Création d’un système de « repentis » qui prévoient l’exemption, ou du moins une réduction de peine, pour les personnes qui coopèrent avec la justice.
  • La possibilité donnée aux associations de lutte contre la corruption de se constituer parties civiles.

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Le principe de la loi FACTA

Aux États-Unis, une loi de type extraterritoriale, la loi FACTA (Foreign Account Tax Compliance Act), a été votée pour lutter contre l’évasion fiscale.

Le principe en est simple : les banques des pays signataires doivent fournir des renseignements sur les comptes détenus par des citoyens américains à l’étranger. Ainsi, le Fisc américain peut leur faire payer des impôts sur leur sol de domiciliation.

En cas de refus du propriétaire du compte placé dans une banque étrangère, une retenue à la source de 30% peut être imposée. Si les banques signataires (par exemple en France, en Grande-Bretagne et en Suisse) omettent de déclarer la présence d’un compte américain, elles peuvent être interdites d’exercer toute activité sur le territoire américain.

Les États-Unis, comme d’autres gouvernements, savent qu’il existe un gisement fiscal considérable qui leur échappe chaque année, et qu’en ces temps de disette économique et d’augmentation des dettes publiques, l’évasion fiscale – ou l’optimisation fiscale, quel que soit le nom qu’on lui donne – ne peut simplement plus être tolérée.

Une telle loi pourrait-elle voir le jour en Europe ?

L’évasion fiscale des entreprises

C’est l’une des priorités politiques de la Commission européenne : la lutte contre l’évasion fiscale des sociétés permet de garantir un marché plus juste. Cette forme d’évasion fiscale correspond à une politique fiscale agressive visant à réduire au minimum les charges d’impôts de l’entreprise. Ce qu’on appelle également « dumping fiscal ».

L’évasion fiscale des sociétés profite des failles du système. Elle exploite les lacunes juridiques des systèmes fiscaux et les différences entre les réglementations nationales, afin de déplacer les bénéfices vers des juridictions à basse imposition fiscale (paradis fiscaux). Le vieux principe selon lequel l’imposition doit rendre compte de l’endroit où l’activité économique est exercée n’a plus cours.

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La Commission européenne privilégie la transparence

Privilégiée par la Commission européenne, la transparence fiscale doit permettre de lutter contre ce fléau qui déséquilibre les budgets des États et tend à creuser les injustices du marché. Le manque de transparence encourage les pratiques fiscales abusives sur le modèle de « puisqu’on ne sait pas d’où vient l’argent ni où il va, il est donc plus facile de tricher ».

Le 18 mars 2015 la Commission européenne a présenté un paquet de mesures dont le but est de renforcer la transparence fiscale des entreprises. L’une de ces mesures consiste à pousser les États membres à échanger leurs informations concernant leurs rescrits fiscaux (le rescrit est une confirmation donnée au contribuable sur le calcul de son impôt).

À titre informatif, aux États-Unis, entre 1998 et 2005, la moitié des entreprises n’a pas versé un dollar au Fisc. Pas un dollar en sept ans. Parce que la moitié des entreprises cotées à la bourse de Wall Street est domiciliée dans le Delaware, un mini-Paradis fiscal au cœur d’un immense pays.

Il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre ces riches particuliers et ces entreprises (nationales ou multinationales) qui préfèrent mettre l’argent sous le tapis, en espérant qu’on ne les regarde pas faire. Mais les moyens se développent et la coopération entre pays s’améliore.


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