Difficile à définir avec exactitude, le film familial se comprend comme une œuvre accessible à tous, petits et grands, avec une prédilection pour le visionnage en groupe. Né à Hollywood, il se confond aujourd’hui avec cinéma de divertissement et succès public. Essayons de démêler les fils de cette bobine sans fin.
Un film familial, est-ce un film pour toute la famille ?
Deux saisons sont propices à la sortie d’un film familial : l’été, parce que c’est la période des longues vacances, des blockbusters américains et des salles climatisées qui font du bien en cas de canicule. Et l’hiver, parce que les fêtes de Noël et la fraîcheur de l’extérieur sont idéales pour un rapprochement familial autour du canapé et de la cheminée (ou des radiateurs, par défaut).
Pas étonnant que Disney, qui a tout compris, sorte ses gros films autour de ces deux périodes. Le Pixar en juillet-août et le Disney traditionnel en décembre-janvier. Même si ce calendrier rituel a tendance à être bouleversé par le surgissement du printemps comme époque-cible du blockbuster tous-publics (l’exemple des films de super-héros est très parlant).
Plus qu’un genre à proprement parler, le film familial constitue une catégorie transversale, une manière de juger un long-métrage selon des critères populaires. Bien qu’il résiste à l’exercice de la définition, par essence trop restrictif, il est néanmoins possible de le circonscrire selon cinq axes :
- Il doit être regardable par un public de tous âges, « de 7 à 77 ans » selon l’expression consacrée
- Il doit exclure toute forme de violence explicite et de sexualité
- Il doit restreindre toute noirceur morale ou philosophique au personnage du méchant qui sera, de toute façon, vaincu ou « retourné » à la fin (en gros, tué ou transformé en gentil)
- Il doit donner une vision essentiellement positive et agréable du monde
- Il doit proposer un scénario éminemment simple d’accès (donc non, Inception n’est pas un film familial !)
De fait, le film familial a tendance à se confondre, dans l’imaginaire collectif, avec le film pour enfants et/ou pour adolescents.
Une invention hollywoodienne
Dans la mesure où la notion de film familial est étroitement liée à celles de divertissement et de film populaire, il n’est pas étonnant que le concept en soit né à Hollywood, dont les ambitions de distribution globale, dès le début du XXe siècle, ont réclamé des modes d’expression universels dans le but de toucher un vaste public.
L’industrie hollywoodienne a créé, et développé, le principe même du film familial, un type de production explicitement voué à être consommé à la fois par les enfants et par les adultes. Ce fut surtout le cas après le début des années 30, lorsque les studios eurent à répondre aux critiques qui estimaient que les films parlants n’étaient pas appropriés pour un jeune public.
Sans entrer dans les détails historiques, rappelons simplement que l’arrivée du parlant en 1927 a bouleversé la production cinématographique et la hiérarchie des genres. Les films du début des années 30 ont certes une certaine tendance à la noirceur.
L’application du Code Hays en 1934, qui dressait une liste de thématiques interdites sur grand écran, a poussé Hollywood à se réformer et à accentuer la dimension familiale de ses productions. C’est aussi l’époque de l’avènement du studio Disney, mené d’une main de maître par l’oncle Walt, et la sortie en 1937 de Blanche-Neige et les sept nains.
Film familial contre film avec de la famille dedans
La confusion est tentante : un film familial doit-il montrer une famille dans le film ?
Cette question est moins absurde qu’il n’y paraît. En effet, par sa nature même, le film familial a besoin d’attiser l’empathie de ses spectateurs, et la meilleure façon de le faire consiste à privilégier l’identification du public avec les personnages du récit. Quoi de mieux, alors, que de mettre en scène une histoire de famille, ou du moins une famille confrontée à des événements extérieurs ?
Prenons, par exemple, le plus grand réalisateur en activité (notez que cet avis est totalement subjectif) : Steven Spielberg. On peut légitimement qualifier nombre de ses films de « familiaux », parce qu’ils répondent point par point aux règles énoncées plus haut. Mais en plus, ils mettent en scène des cellules familiales – souvent déstructurées ou recomposées, mais des cellules familiales quand même.
Essayez avec E.T. l’extraterrestre : le héros est un jeune garçon, Elliot ; il a des frères et sœurs, plus âgés et plus jeunes, la benjamine étant sous sa protection ; une mère dévouée mais débordée ; et un père absent. Ils vivent dans une banlieue anonyme de Los Angeles semblable à celle dans laquelle Spielberg a grandi. Et dans le récit, l’extraterrestre occupe la place laissée vacante par le père, recomposant ainsi la cellule familiale.
Maintenant, faites pareil avec la saga Star Wars de George Lucas, le copain de Steven. On en est plein dans le film familial, avec Dark Vador qui redevient gentil à la toute fin. Là encore, c’est une affaire de famille : Luke et Leïa s’avèrent être jumeaux, et leur ennemi juré Vador se révèle être leur père. (Désolé pour le spoiler, mais vous l’avez TOUS vu.)
Avant tout, des films à regarder en famille
De fait, ce type de film en appelle souvent à la structuration familiale comme base de tout équilibre existentiel. Ce peut être Harry Potter qui finira par venger la mort de ses parents ou la princesse Raiponce qui retrouvera ses géniteurs après une enfance passée dans le giron d’une sorcière.
Mais, surtout, le film familial se doit de proposer un divertissement positif, enthousiasmant et dominé par les bons sentiments. Ce qui n’empêche nullement de produire des films de qualité capables d’offrir plusieurs lectures : Pixar le prouve presque tous les ans.
Toutefois, l’échec cette année de Tomorrowland, production grand public Disney d’une intelligence et d’une beauté inestimables, laisse à penser que le public, même au sein de la catégorie du film familial, préfère rester en terrain convenu. Il suffit de voir, en comparaison, les résultats faramineux des films de super-héros – des films pas super-malins.
Des classiques à travers les âges
Pour finir, nous vous proposons une sélection qui prouve que les films familiaux, malgré leur objectif affiché de réunir un large public, peuvent aussi devenir de grands classiques du cinéma :
- Les Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz, 1938) : Errol Flynn en collants moulants et Olivia de Havilland en demoiselle en détresse. Un must.
- Le Magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939) : Judy Garland a toujours été insupportable, mais elle a incarné une Dorothy géniale. Parce qu’elle est insupportable. Et parce qu’elle donne la réplique à un bonhomme en fer blanc, à un épouvantail et à un lion émotif.
- Chantons sous la pluie (Stanley Donen et Gene Kelly, 1952) : on oublie trop souvent que ce classique de la comédie musicale est brillant, malin et historiquement passionnant, en sus d’être drôle et merveilleusement bien dansé.
- 20 000 lieues sous les mers (Richard Fleischer, 1954) : quand Disney rencontre Jules Verne, le plus grand romancier de science-fiction, cela donne l’un des divertissements filmiques les plus intenses, les plus beaux et les plus fascinants jamais produits. Et parce que le capitaine Nemo, joué par James Mason, a la super classe.
- Les Aventuriers de l’Arche perdue (Steven Spielberg, 1981) : quand le film grand public croise le film d’aventures à la sauce Spielberg. Un chapeau, un fouet, Harrison Ford et des nazis qui morflent, que du bonheur. Quoique la scène d’ouverture de l’Arche ne soit pas vraiment destinée aux âmes sensibles.
- Le Roi lion (Roger Allers & Rob Minkoff, 1994) : le meilleur Disney ? Difficile à dire, surtout qu’Aladdin lui tire la bourre. Mais parce qu’on pleurera toujours de joie lorsque le petit Simba est montré au peuple animal. Et toujours de tristesse à la mort de Mufasa. Et je sais que vous avez pleuré, vous avez TOUS pleuré.
Internet regorge de sites qui proposent des listes de films familiaux (comme celui-ci), à vous de faire votre choix. L’essentiel étant de passer un bon moment… en famille !